Chère lectrice, cher lecteur, 

Regardez cette image issue d’une étude de la NASA. (1)

À gauche, une toile d’araignée “normale”. 

À droite, les toiles d’araignée sous l’influence de substances toxiques, à savoir de la caféine, de la benzédrine (un type d’amphétamine) et de la marijuana. 

Je vous propose un jeu. 

Vous devez deviner quelle substance est associée aux toiles déconstruites de droite. Gardez bien ceci à l’esprit : plus la toile est déconstruite, au plus la substance ingérée est nocive pour leur système nerveux.

Alors ? 

La logique voudrait que l’on associe l’image la plus à droite à la benzédrine, un stimulant utilisé en médecine qui est similaire à l’ecstasy et aux autres drogues récréatives comme le speed et la MDMA.

L’araignée qui a tissé la toile de droite semblait être dans un état très second…

Pourtant, elle n’était pas sous l’effet d’un type d’amphétamines, ni de marijuana. 

Ce que vous voyez-là est l’œuvre d’une araignée sous l’effet de la caféine !

Bonne ou mauvaise ? La drogue la plus normalisée de tous les temps

Je ne sais pas vous, mais en prenant connaissance de l’effet du café sur les araignées, j’ai tout de suite remis en question ma propre consommation de café… 

Et je me suis lancée dans les recherches sur l’effet de la caféine sur le cerveau.

Je me limite une tasse de café par jour, préparée dans une cafetière à piston. Je me sers l’équivalent d’un “café filtre” ou d’un allongé tous les matins vers 11 heures. 

Si vous en consommez aussi, vous espérez peut-être vous sentir plus en forme tout en vous faisant plaisir.

Pour la partie plaisir, les amateurs comprendront sans difficulté que ce café matinal a une importance (psychologique) dans le bon déroulement de la journée. 

Pour la partie “bien-être” et forme… 

Le bilan n’est pas tout noir ou tout blanc (comme le café, d’ailleurs).

Votre horloge biologique sur “off”

Sur le plan chimique, boire une tasse de café pour se sentir bien correspond à la prise de drogues, de stimulants, qui agissent directement sur le système nerveux. 

Vous objecterez sûrement que vous n’avez pas le système nerveux d’une araignée.

Certes, l’impact d’une dose de caféine n’est pas le même sur vous que sur une araignée.

Mais il n’empêche que votre corps connaît un ébranlement important sous l’effet de la caféine

Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? La réponse n’est pas évidente, alors voici quelques pistes.

Consommé sous sa forme liquide, le café met 4 à 8 minutes pour parvenir au cerveau. Sa texture très proche de l’eau lui permet de pénétrer très rapidement de l’estomac à l’intestin grêle puis au cerveau. (2)

Le premier effet de la caféine sur le corps, qui est le premier effet recherché par les consommateurs, est la réduction de la fatigue.

Un bon café quand vous êtes fatigué peut paraître salvateur. 

En réalité, tout ce que vous faites, c’est retarder l’échéance de votre sommeil

C’est un peu comme à l’hôtel, lorsque vous mettez vos dépenses sur la note, et que vous payez à la sortie. Sans vous en rendre compte, la facture augmente et vous devez régler une somme importante à la fin. 

C’est ce qu’il se passe dans votre corps. Plus les heures passent, plus une hormone responsable de votre cycle circadien (veille/sommeil) augmente : l’adénosine. 

Au fil de la journée, la fatigue s’accumule sans que vous la ressentiez. Plus l’adénosine augmente dans votre corps, plus vous êtes fatigué. 

Mais avec le café… Votre horloge biologique est comme mise sur “off”. 

Le jeu malicieux des molécules de caféine

La nature est bien faite : si vous n’avez pas de problème de santé, vous vous levez le matin en forme, et vous vous sentez fatigué le soir, prêt à entamer une bonne nuit de sommeil. 

Mais c’est sans compter sur la malice (ou l’ingéniosité) humaine. Avec la découverte de l’arbre à café, le caféier, nous avons mis un bâton dans les roues de notre rythme biologique.

Les structures moléculaires de la caféine et de l’adénosine sont très similaires. 

Comme une jumelle malicieuse, la caféine s’accroche sur les récepteurs de l’adénosine et… 

La caféine bloque les récepteurs d’adénosine, ce qui l’empêche de faire son travail : baisser ou augmenter certains neurotransmetteurs comme la dopamine et la sérotonine.

Par exemple, pour préparer votre endormissement, l’adénosine réduit l’effet de la dopamine (le neurotransmetteur en charge de la récompense) de façon à ce que vous vous concentriez sur le sommeil à venir. 

Or, la caféine empêche l’adénosine de réguler vos niveaux de dopamine. 

Cette perturbation hormonale vous procure une sensation de bien-être avec une augmentation de l’attention, de l’énergie et de l’humeur grâce à l’augmentation de cette hormone du bonheur. 

Les effets à court terme sont, ma foi, plutôt positifs. Être plus en forme, plus heureux en quelques minutes et pour moins de 2 € la tasse… Que demander de mieux ?

La dette envers vous-même

Mais à long terme, vous accumulez votre dette envers votre propre cerveau. 

Si les diamants durent toujours, la caféine s’évapore après quelques heures. 

Sous l’effet d’une enzyme de votre foie (l’enzyme CYP1A2), la caféine disparaît après quelques heures. 

Il se peut alors qu’après avoir bu, une, deux, voire trois tasses de café dans la journée, vous ressentiez une fatigue insurmontable. 

Et le soir venu, vous pouvez avoir du mal à vous endormir… 

Juste le temps de vous habituer

… Le temps de vous habituer.

Si comme moi, vous buvez une tasse de café tous les jours (voire davantage), votre corps s’est habitué à votre consommation. 

Votre cerveau a fait une chose incroyable : il multiplie les récepteurs d’adénosine pour que la caféine ingérée quotidiennement ne suffise pas à les bloquer. 

Conclusion : vous passez d’une à deux tasses par jour, puis de deux à trois… Les effets ne se ressentent presque plus. 

Cela ne pose pas de problème particulier dans le jeune âge, mais en vieillissant, le foie a plus de difficultés à éliminer le café dans le corps. 

Les enzymes qui dégradent la caféine sont produits en plus petites quantités au fil du temps. Un café bu à 17 heures par une personne de 30 ans n’aura pas le même effet que sur une personne de 70 ans.

Ainsi, les effets d’une tasse de café se font ressentir plus longtemps.

Vieillisse et lésions du cerveau

La perturbation du cycle veille-sommeil n’est pas le point noir du café. 

La consommation de caféine réduit votre flux sanguin cérébral en empêchant à l’adénosine de faire son travail (encore !) : dilater les artères cérébrales. 

Ainsi, la caféine resserre les artères et les vaisseaux du cerveau, et ce, jusqu’à 27% chez les consommateurs peu habitués. (3)

Cette vasoconstriction est justement la raison pour laquelle il est conseillé de prendre un espresso quand on a une migraine : la vasoconstriction réduit le flux sanguin qui cause des douleurs terribles dans une partie du cerveau.

C’est un plutôt bon argument, non ?

À court terme, quand on est jeune, oui. Mais à l’échelle d’une vie entière, peut-être pas.

C’est ce que montre une étude du journal Nature, menée sur près de 500 personnes de plus de 70 ans.

La consommation de plus de 2 tasses de café par jour pendant plusieurs dizaines d’années serait à l’origine de lésions cérébrales importantes. (4)

Pour les férus de science, ces lésions causées par la caféine s’appellent “l’hyperintensité T2”, à l’origine de la démyélinisation – la réduction de la gaine de myéline –  et de la perte axonale – perte de matière blanche dans le cerveau.

La conclusion de l’article appelle à la prudence : “Puisque le café est consommé dans le monde entier et que l’hyperintensité T2 est commune chez les seniors, les potentiels effets adverses de la consommation de café sur la santé cérébrale des plus âgés devraient nous préoccuper.

Quid des vertus neuroprotectrices ? 

Ces résultats sont à mettre en perspective avec les études qui prouvent les vertus protectrices du café sur le cerveau.

Les polyphénols présents en grande quantité dans le café apporteraient une protection contre les maladies neurodégénératives telles que la maladie de Parkinson.

Toutefois, les résultats des études menées à ce sujet sont partagées. 

Si les résultats obtenus sur des animaux sont réjouissants, les études menées sur les êtres humains sont moins concluantes. (5)

Nombreuses sont celles à indiquer que les effets protecteurs dépendent de la génétique de chaque individu… (6)

Bien connaître son patrimoine génétique permet de savoir quels types d’aliments vous pouvez consommer. Je vous renvoie d’ailleurs à ma lettre sur les travaux du Dr Georges Mouton en nutrigénomique.

Alors voici où mes études m’ont menée : à la modération et à la connaissance de soi. 

Buvez une tasse de café de temps en temps si cela vous fait plaisir, mais comme toute chose, n’en abusez pas. 

N’est-il pas vrai qu’Honoré de Balzac est mort d’épuisement après avoir passé des années à acheter son sommeil avec du café ?

Si le café fait partie intégrante de votre vie et que vous cherchez des alternatives moins “risquées”, je vous invite à explorer des alternatives comme le maté, la chicorée ou le maca. 

Santé ! 

Mélanie Sigali

Sources : 

  1. https://ntrs.nasa.gov/citations/19950065352 
  2. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0899900723002459 
  3. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19219847/
  4. https://www.nature.com/articles/s41598-019-57381-z  
  5. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC7773776/ 
  6. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9883660/

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10 Commentaires
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Le maté contient 2fois plus de caféine que le café, d’ailleurs la caféine devrait se nommer plus justement matéine!!

Toutes les études sont sujettes à caution, elles servent le plus souvent à valider le postulat de base qui les a fait entreprendre. On l’a vu avec la Covid, la question de la toxicité ou du bénéfice de la caféine n’échappe pas à la règle. Si cette substance présentait les dangers ici décrits, il devrait y avoir un delta important entre la santé cérébrale des habitants des pays où on en consomme beaucoup et ceux où on n’en consomme pas. Les Italiens, par exemple, devraient présenter statistiquement un excès de ces effets néfastes attribuables à la caféine. Les Américains davantage encore, puisque non seulement ils sont les plus gros consommateurs de café, mais que leurs cafés sont plus chargés en caféine parce que plus allongés. Tant que ces différences ne seront pas mises en évidence par des études sérieuses, tout ce qu est dit ici demeure très incertain. Sans compter que là, comme pour le reste, la susceptibilité individuelle n’est jamais prise en compte. Or nous sommes tous différents, autre limite considérable aux études de cohortes.

Excellent article.
Le café : un dopage artificiel qui a un coup sur notre santé. Tout le monde là constaté, mais l’exigence sociétale d’être productif nous contraint à trouver des subterfuges. Essayons les alternatives pour composer entre santé et nécessité.

Bonjour,
Merci pour ce genre d’informations toujours très bien expliquées
Est-ce que le thé agit de la même façon ?

Ce que retiens de cette étude c’est que l’on continue faire des tests sur les animaux et donc à faire souffrir des êtres vivants pour contrecarrer ou comprendre nos conneries . Une connerie de plus . c’est lamentable

Très intéressant mais je regrette de ne pas trouver la cause de 2 toiles d’araignée centrales…….. je dirai la seconde(en partant de la droite) marijuana et la 3ème amphétamine…..
Juste ? merci d’avance de votre réponse.
en attendant je bois quand même mon café du matin (il est 7h30) mais avec beaucoup moins d’insouciance !!!!
cordialement
bruno
Bruno Fossemale