Chère lectrice, cher lecteur, 

Quel est votre souvenir d’enfance le plus lointain ? 

Pour ma part, c’était un épisode dans la cuisine de ma grand-mère paternelle. Dans sa maison au cœur du Massif Central, elle m’apprenait à préparer des biscuits à la crème de lait.

Pour les réaliser, elle utilisait le lait cru issu de la ferme voisine et récupérait la “crème” qui se formait à la surface pour la mélanger avec du sucre et de la farine et en faire des biscuits. 

C’était ce qu’elle appelait “les biscuits de la ferme”.

Je garde un tendre souvenir de la douce odeur du lait tout droit sorti du pis. Mais était-ce bien raisonnable d’en faire consommer à un enfant ? 

Le cru est mort, vive le cru ! 

Le lait cru semblerait revenir à la mode. 

Je parle de mode parce que la consommation de lait “cru” ou frais, qui n’a pas été pasteurisé, chauffé ou stérilisé, connaît une vague de popularité chez les jeunes. 

Sur la toile, un régime alimentaire a le vent en poupe : l’alimentation dite “ancestrale”. 

Elle consiste à consommer des aliments qui n’ont pas ou peu connu de transformation. Du lait frais, des œufs crus, du miel cru, souvent tous mélangés en une seule boisson.

Je n’ai rien contre ces ambassadeurs d’une alimentation naturelle, bien au contraire.

J’observe simplement, non sans curiosité, l’évolution des tendances alimentaires qui passent d’un extrême à l’autre.

Le premier constat est le suivant : en moins de 10 ans, nous sommes passés du régime alimentaire cru végétal à son contraire, le régime cru animal.

En plus du lait, des œufs et du miel “crus”, ces personnes promeuvent la consommation de viande crue. Bœuf haché sans cuisson, foie de lapin cru, thon et autres poissons exempts de cuisson… Tout doit être extra-frais, extra-cru.

Comme moi, peut-être essayez-vous de trouver un sens à ces changements alimentaires, qui semblent moins être une question de goût que des revendications idéologiques. 

Ces changements seraient-ils les symptômes d’un mouvement idéologique à l’œuvre, celui du retour à des valeurs plus traditionnelles, qui se manifeste notamment par l’élection récente de Donald J. Trump ?

De la scène politique à la cuisine, il n’y a qu’un pas. Je pense notamment aux ouvrages de Carol J. Adams La politique sexuelle de la viande, ou encore de Nora Bouazzouni, Steaksisme et Faiminisme. (1)

Libre à vous de méditer et de vous attarder sur ce parallèle idéologique. Mais je vous invite à poursuivre la lecture de cette lettre pour connaître les implications nutritives d’un tel revirement de tendances.

La consommation crue d’aliments d’origine animale n’est-elle pas dangereuse pour la santé ?

Flore intestinale, allergies, asthme… Le lait cru à la rescousse ?

De prime abord, seuls les défenseurs les plus fervents du carnivorisme semblent apprécier un foie de lapin cru au petit-déjeuner, ou les nostalgiques d’un idéal paysan boire un grand verre de lait cru pour accompagner le déjeuner.

Pourtant, l’idée séduit les jeunes adultes tout juste sortis de l’adolescence.

Quels sont les arguments qui ont convaincu une génération marquée par un hygiénisme sanitaire quasi-totalitaire ? 

Une longue liste de bienfaits pour la santé justifierait cet engouement. Prenez par exemple le lait cru.

Le lait cru aurait : 

  • plus de vitamine A, B12, D et C que le lait traité ; 
  • plus de lactase, ce qui faciliterait la digestion du lactose ; 
  • des probiotiques bénéfiques à votre flore intestinale ; 
  • plus de protéines que le lait pasteurisé/stérilisé… 

Mais ça ne serait pas tout ! 

Si vous ou un proche a de l’asthme, ou plus généralement un terrain allergique, la consommation de lait cru pourrait être d’une grande aide. (2)

Une grande étude nommée “l’étude GABRIELA” a été menée par l’Institut américain pour la santé. L’effet protecteur du lait cru chez les personnes allergiques (asthme, rhume des foins, rhinites allergiques…) a été prouvé par 90% des études épidémiologiques menées sur le sujet. (3)

Lait cru : le bras de fer politique 

Mais voyez, bien que certains bienfaits du lait cru soient prouvés par des études scientifiques, le sujet divise.

L’article issu du quotidien britannique The Guardian le montre. Il est intitulé “La vérité sur le lait cru divise et voici pourquoi les experts sont ‘complètement horrifiés’ par la tendance”.

Je vous donne le contexte. Depuis très longtemps, la Food and Drug Administration, l’administration américaine chargée de la surveillance des aliments et des médicaments, alerte sur les risques du lait cru. 

Salmonelle, E. coli, listeria, campylobacter… Le lait cru serait le terreau parfait pour ces bactéries dangereuses, voire mortelles, pour l’homme. 

La controverse a été ravivée par la découverte du virus de la grippe aviaire dans le lait cru en novembre dernier en Californie. En parallèle de cet événement, Robert F. Kennedy Junior, le nouveau secrétaire à la Santé et aux Services sociaux américain, a affirmé son soutien aux fermiers qui vendent du lait cru.

Alors… qui a raison ?

Du côté de la science, le chercheur américain John Lucey, directeur de recherche du centre pour la recherche sur les produits laitiers du Winsconsin, a publié des centaines d’articles revus par les pairs sur le lait et ses différents traitements. 

Dans une étude publiée dans Nutrition Today, John Lucey avance que le lait cru n’a aucun bienfait nutritionnel en comparaison avec le lait pasteurisé. Ainsi, la balance risque/bénéfices pencherait du côté des risques. (5)

Mais il y a un petit problème… 

Le centre pour la recherche sur les produits laitiers du Winconsin que préside John Lucey est directement financé par un lobby américain des produits laitiers, le Dairy Checkoff Program. (6)

Et ce n’est pas tout ! Au-delà de ces considérations nutritionnelles, une autre accusation serait formulée à l’égard du lait cru. Celle-ci est, selon moi, la plus folle. 

L’Institut national de la santé américain et le Département de l’agriculture américain (USDA) avancent l’argument immunologique de l’antibiorésistance. (7)

Le lait cru contiendrait des gènes résistants aux antibiotiques, ce qui mettrait à risque la population à l’échelle collective. Les personnes qui consomment du lait cru porteraient des bactéries résistantes aux antibiotiques, et participeraient à la prolifération de pathogènes résistants aux antibiotiques existants sur le marché. (8)

La résistance antibiotique serait déjà responsable de la mort de dizaines de milliers de personnes aux États-Unis (35 000 en 2019). (9)

L’ombre de cette réalité accompagne les arguments contre le lait cru. Entre influence politique et activisme, qui devriez-vous croire ? 

Fraîcheur versus Pasteur, choisissez votre camp

Si vous le voulez bien, revenons aux bases. 

Vous le savez sans doute, la plupart des laits vendus dans le commerce sont pasteurisés ou stérilisés pour éviter les infections.

Avant de vous en dire plus sur les risques encourus lors de la consommation de lait cru, je tiens à mettre au clair les différents types de traitement du lait. 

Si votre lait a été pasteurisé, il a été chauffé entre 70°C et 100°C pendant 15 secondes de façon à détruire tous les microorganismes pathogènes (bactéries, microbes…). La pasteurisation permet au lait d’être conservé pendant 15 à 20 jours au frais si la bouteille n’est pas encore ouverte, tandis que le lait frais doit être maintenu à moins de 4°C, pendant une durée plus limitée (24 heures au réfrigérateur). 

Enfin, la stérilisation est une autre méthode de traitement du lait. Pour être stérilisé, votre lait est chauffé à 115°C pendant 15 à 20 minutes, ce qui lui permet d’être conservé 150 jours à température ambiante. Le lait UHT (Ultra Haute Température) est le lait le plus consommé en France. Il est chauffé à 150°C pendant quelques secondes et peut être conservé durant 90 jours. 

Ces traitements servent deux objectifs : 

  • détruire les organismes pathogènes qui se développent dans le lait s’il n’est pas réfrigéré et conservé trop longtemps ; 
  • conserver le lait à température ambiante plusieurs mois dans les placards ou en rayon en magasin sans complication de réapprovisionnement. 

Vous l’aurez compris, le dernier point facilite une logique industrielle de production et de stockage massif. Le lait frais n’est pas adapté à de telles pratiques. 

Le problème principal de tels traitements est le suivant : si les organismes pathogènes sont détruits et assurent une consommation sans risque, les vitamines et protéines naturellement présentes dans le lait frais seraient diminuées. (10) 

“C’est ce que faisaient les vieux quand ils n’avaient plus de dents…”

Face à cette diversité d’opinions scientifiques et politiques, j’ai demandé l’avis d’une naturopathe en qui j’ai grandement confiance. 

Si vous avez lu mes lettres précédentes, vous savez que je parle d’Anne Portier. 

Je lui ai demandé ce qu’elle pensait des bienfaits du lait cru sur la santé, en particulier sur la digestion. 

J’ai été très surprise par sa réponse, car le principal bienfait du lait cru, selon elle, est sur votre système nerveux. 

Le lactium, un ingrédient naturellement présent dans le lait, diminuerait le stress et améliorerait la qualité du sommeil. 

Selon elle, la meilleure façon de le consommer serait de le prendre le soir à la place du repas, c’est “ce que faisaient les vieux avant, surtout quand ils n’avaient plus de dents” !

Alors si vous avez des difficultés à vous endormir à cause de mauvaises pensées, un bon verre de lait (cru ou non) pourrait vous assurer une nuit paisible !

Santé ! 

Mélanie Sigali 

P.-S.: Cette lettre était l’occasion de vous présenter les bienfaits supposés du lait cru, qui connaît un engouement récent. Toutefois, je ne suis pas en faveur d’une consommation excessive de produits laitiers, qui ne convient pas à tout le monde. Si cette lettre vous a plu, je vous invite à laisser un commentaire ici ! 

Sources : 

  1. Carol J. Adams, Nora Bouazzouni, Danielle Petitclerc, La Politique seuxelle de la viande : une théorie critique féministe et végétarienne, Le passager clandestin, 24 janvier 2025. Nora Bouazzouni, Faiminisme – Quand le sexisme passe à table, Nouriturfu, 22 août 2017. Nora Bouazzouni, Steaksisme : En finir avec le mythe de la végé et du viandard, Nouriturfu, 22 avril 2021.
  2. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213219819309560 
  3. Baars T, Wold A, Vuitton DA, Garssen J, Berge AC. Raw Cow Milk Consumption and the Atopic March. Front Pediatr. 2021 Feb 18;9:613906.
  4. https://www.theguardian.com/wellness/2024/nov/26/what-is-unpasteurized-raw-milk 
  5. Lucey JA. Raw Milk Consumption: Risks and Benefits. Nutr Today. 2015 Jul;50(4):189-193.
  6. https://fortune.com/well/article/rfk-jr-raw-milk-risks-benefits/ 
  7. https://microbiomejournal.biomedcentral.com/counter/pdf/10.1186/s40168-020-00861-6.pdf 
  8. https://www.rawmilkinstitute.org/updates/antibiotic-resistant-genes-in-raw-milk 
  9. https://www.cdc.gov/antimicrobial-resistance/data-research/threats/index.html#:~:text=More%20than%202.8%20million%20antimicrobial,million%20infections%20and%2048%2C000%20deaths
  10. https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2015/fo/c5fo00407a
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J’achète du lait à la ferme. Je le consomme cru, sauf quand il sert à des préparations culinaires genre béchamel, purée, crêpes. Et je le garde plus de 24 heures sans problème. Il est vrai que la fermière le garde au réfrigérateur et que je le transporte dans un sac isotherme.

J’ai passé toute mon enfance à la ferme familiale.
Mon père avait des vaches, mais à viande pas laitière, toutefois nous avions régulièrement du lait à chaque naissance ou presque.
Lorsque nous n’avions pas de lait chez nous, ma mère allait en acheter chez un voisin qui avait des laitières et en avait donc en permanence
La grange était à 3 mètres de la maison, et il arrivait que mon père prenne une casserole le matin pour traire une vache et nous donner du lait avant de partir à l’école.
Ma mère le faisait bouillir normalement, mais parfois nous étions
tellement en retard qu’on le faisait chauffer (il était encore chaud)
vite fait sans attendre qu’il bouille.Je n’ai jamais eu le moindre problème avec ce lait qu’il soit bouilli ou pas.
Ce lait était bon, même si pour moi il n’avait rien d’exceptionnel, n’ayant pas d’autre référence.
Je n’ai bu que ce lait jusqu’à 5 ans environ.
Ce n’est que le jour ou je suis allé passer une semaine chez ma grand-mère qui n’avait plus de vache que j’ai découvert le lait pasteurisé (le lait UHT n’existait pas encore).
Eh bien je n’ai pas pu en boire une goutte au désespoir de ma grand mère, ce lait avait un goût infecte pour moi.
Ma grand mère a du prendre son vélo et faire 3 kms pour aller me chercher du « vrai » lait chez un producteur.

Plus tard, alors que j’avais accepté le gout du lait pasteurisé, nous avions tout de même du lait maison mais pas toujours, et puis la ou les vaches qui avaient un veau, n’avaient pas toujours de lait ou pas assez.
Donc nous avions dans la cuisine un sac de 25Kg de lait en poudre pour les veaux.
La encore quand nous n’avions plus de lait pour déjeuner par inadvertance, cétait vite réglé: un peu de poudre du sac faisait l’affaire. Il était moins bon que le lait frais, mais il était parfaitement comestible, alors qu’il n’était pas destiné à la consommation humaine, mais c’était exactement le même qu’en magasin, mais beaucoup moins cher.

Donc quand je lis ces polémiques, et toutes ces normes ridicules, je me dis simplement que les gens ne savent plus ce qui est bon.
Ce qui est bon pour nous ce sont les produits bruts, à condition d’y être accoutumés jeunes.
Les industriels nous ont coupés de la nature dès le plus jeune age, et qui plus est affaiblis par des « vaccins » inutiles et dangereux, entre autres produits chimiques.

N’importe quel enfant qui boira du lait brut, bouilli au début mais pas forcément systématiquement par la suite, n’aura jamais de problème avec le lait cru et autres fromages.
La vrai vaccination c’est ça, le contact avec le maximum de bactéries dès le plus jeune age.
Il faut juste y aller progressivement, c’est tout, et en plus le goût est incomparable!

Les produits laitiers sont nos ennemis pour la vie et leur consommation est nuisible, entre autres, aux vaches laitières qui produisent du lait dont le contenu est spécifiquement adapté à la croissance des veaux et pas à la croissance des petit d’humains. Alors qu’elles sont parfois tuées gestantes dans des conditions pas toujours « agréables » et que pourtant elles espéraient vivre une dizaine d’années

Vive la connaissance de la sentience animale