Chère lectrice, cher lecteur,
Je suis consternée par l’hypocrisie de certains messages sanitaires.
« Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé. »
Ce message qui défile au bas de nos écrans a été tellement martelé depuis 15 ans que personne n’y prête plus attention.
Tout au plus, il donne bonne conscience à l’ANSES, l’organisme fondateur du Programme National Nutrition Santé, chargé de sensibiliser les Français à une alimentation plus saine.
Et quand bien même on les écoute, ces messages sont tellement vagues qu’ils ne veulent rien dire quand on ne s’intéresse pas à son alimentation. Ils passent donc complètement à côté de l’objectif.
C’est pourquoi j’aimerais clarifier ici ce que signifie avoir une alimentation notamment « trop sucrée ».
Précision importante : on appelle communément « sucres » la famille des glucides en général. Cette famille comprend le sucre ajouté mais aussi les fruits, le pain, les pâtes, le riz, les pommes de terre, les céréales diverses et les légumineuses.
Dans cette lettre, il ne sera question que du sucre ajouté, c’est-à-dire celui qui n’est pas naturellement présent dans les aliments bruts.
Par ailleurs ce sucre ajouté ne se limite pas au saccharose (le sucre de table).
J’inclus également le miel, le sirop d’érable, le sucre de canne complet et autres sucrants de nos placards, et… bien sûr, toutes les sources de sucres cachées sur les étiquettes des produits industriels : sirop de glucose-fructose, sirop de sucre inverti, dextrose…
Ce qui se passe quand vous mangez trop de sucre
Le sucre n’est pas un nutriment essentiel, donc il n’existe pas d’apport minimum, et encore moins d’« apport journalier recommandé » en sucre.
En revanche, lorsqu’on en consomme de grandes quantités, le sucre peut avoir des effets délétères bien connus sur la santé :
- L’un des plus connus, ce sont les caries : les bactéries de votre bouche se nourrissent du sucre et produisent de l’acide qui érode l’émail des dents et crée des trous.
- Diabète de type 2[1]: à chaque fois que vous mangez du sucre, cela augmente votre taux de glucose (sucre simple) dans le sang, et votre organisme produit de l’insuline pour faire revenir ce taux à la normale. De grandes consommations de sucre sursollicitent ce mécanisme qui devient de moins en moins efficace. Cela entraîne un taux de sucre dans le sang anormalement élevé (hyperglycémie) de façon chronique ; c’est le diabète. Cette situation doit être régulée au moyen de médicaments car l’hyperglycémie est toxique pour l’organisme.
- Risque de maladies cardiovasculaires[2]: l’excès de sucre produit une inflammation qui endommage les cellules et les tissus, notamment les vaisseaux. Cette inflammation entraîne l’accumulation de plaque à l’intérieur des vaisseaux sanguins, ce qui augmente le risque d’infarctus et d’AVC.
- Surpoids/obésité : les excès de sucre sont stockés sous forme de graisses (triglycérides) dans les cellules adipeuses[3].
Maintenant, rentrons dans le concret. « Trop de sucre », c’est combien ? Et qu’est-ce que ça représente ?
La quantité à ne pas dépasser pour vous maintenir en bonne santé
En général, les organismes de santé publique préconisent de se limiter à environ 50 g de sucre ajouté par jour pour limiter le risque de maladies[4] (cela représente, pour une personne moyenne, environ 10 % de ses apports caloriques quotidiens).
Cela peut sembler beaucoup dit comme ça, mais cette limite peut être atteinte rapidement, surtout si vous consommez des produits issus de l’industrie agro-alimentaire.
Pour vous faire une idée, 50 g de sucre ajouté, cela représente, entre autres :
- 10 carrés de sucre blanc (combien en mettez-vous chaque jour dans votre café ?)
- Environ 3 cuillères à soupe de miel
- Un peu moins de 2 cannettes de soda de 33 cl
- 2 verres et demi de jus d’orange 100 % pur jus*
- 3 yaourts aux fruits (125 g chacun)
- 5 portions de purée de pomme* (100 g chacune)
- 6 cuillères à café de confiture
- Une tablette de chocolat au lait
- 24 biscuits petit beurre
- 6 tranches de quatre-quarts
*Vous constaterez que j’ai donné des exemples de produits à base de fruits alors que j’ai précisé en début de lettre qu’il ne serait question que du sucre ajouté. Toutefois, la transformation des fruits en jus ou en purée/compote accélère tellement l’assimilation de leurs sucres que ces produits ont les mêmes effets que le sucre d’ajout.
Je précise que chaque exemple représente à lui seul 50 g de sucre ajouté ; ils ne sont évidemment pas cumulables.
On comprend mieux pourquoi, mises bout à bout, ces « petites quantités de sucre » ingérées tout au long de la journée peuvent compromettre notre santé.
Pour savoir combien de sucre vous ingérez via les produits de supermarché, il convient de vous référer au tableau de valeurs nutritionnelles sur l’emballage.
Sous la ligne « Glucides », vous trouvez la mention « dont sucres ». C’est la quantité de sucre ajouté dans la préparation, souvent exprimée aux 100 g (et parfois par portion individuelle).
D’ailleurs, bien souvent, la portion indiquée sur les paquets est sous-estimée par rapport à une consommation moyenne, donc soyez conscient de la quantité réelle que vous mangez.
4 signes que vous mangez trop de sucre
Il est probable que, malgré tout, ces chiffres n’évoquent pas grand-chose pour vous.
C’est pourquoi je vais aussi vous inviter à être attentif aux signes que votre corps vous envoie lorsque vous avez trop de sucre dans le sang :
- Vous vous sentez fatigué en permanence : contrairement à ce qu’on pense, le sucre ne donne pas d’énergie… au contraire ! Notre énergie est assurée par nos mitochondries (centrales énergétiques). Lorsqu’elles fonctionnent bien, elles nous permettent de bouger, d’assurer nos activités quotidiennes, de gérer le stress et de surmonter les épreuves. Malheureusement, les excès de sucre endommagent les mitochondries, ce qui peut engendrer des accès de fatigue[5].
- Vous avez très envie de manger sucré : vous pourriez croire que si vous avez une envie impérieuse de pâtisserie ou de chocolat au lait, c’est parce que vous manquez de sucre, mais pas du tout. C’est même l’inverse ; on dit que « le sucre appelle le sucre ». Le sucre stimule la libération de dopamine, l’hormone du plaisir, qui génère un sentiment de récompense. Une fois ce « shoot » passé, le cerveau vous réclame une nouvelle dose de sucre, ce qui entretient la dépendance[6].
- Vous ne supportez pas l’amertume: les personnes qui consomment beaucoup de sucre ont souvent du mal avec l’amertume. Elles n’arrivent pas à boire de café ou de thé sans sucre, à apprécier du chocolat très noir, et les aliments qui ne sont ni sucrés ni salés, comme les yaourts nature, leur paraissent fades sans sucre.
- Vous avez des sautes d’humeur : comme le sucre est addictif, le manque peut provoquer des « sautes d’humeur » de la même façon qu’une dépendance à une autre substance. Tant que votre envie de sucre n’est pas comblée, vous pouvez devenir irritable et désagréable.
Si vous ressentez ces signaux tous les jours, alors il est probable que vous consommiez globalement trop de sucre.
Je vais donc maintenant vous donner quelques conseils concrets pour consommer moins de sucre progressivement, sans bouleverser vos habitudes alimentaires.
1. Limitez au maximum le sucre liquide
La pire source de sucres ajoutés, ce sont les boissons sucrées.
Vous les avalez en un rien de temps et elles passent très rapidement dans le sang car il s’agit de sucre pur – aucune fibre, aucune protéine ni matière grasse ne viennent ralentir leur digestion.
Si vous souhaitez diminuer votre consommation de sucre, je vous conseille donc de commencer par là : réduisez fortement votre consommation de boissons sucrées, et idéalement réservez-les seulement à certaines occasions.
Attention : comme précisé plus haut, c’est aussi valable pour les jus de fruits, même 100 % pur jus, car les jus sont dépourvus des fibres du fruit. Ils contiennent quelques vitamines mais ces dernières ne compensent pas les méfaits de cet afflux de sucre sur votre santé.
Vous pouvez remplacer ces boissons soit par des équivalents moins sucrés, soit par des boissons fait maison comme des citronnades ou thés glacés, ainsi vous savez exactement combien de sucre elles contiennent.
2. Privilégiez les sources « brutes » de sucre
Lorsque c’est possible, essayez de remplacer le sucre (miel, sucre blanc, sucre complet, sirop d’érable…) par des aliments bruts au goût sucré.
Par exemple, au lieu de sucrer votre yaourt nature, ajoutez-y quelques morceaux de fruit frais, voire de fruits séchés (dattes, figues, raisins…). Même séchés, les fruits contiennent des fibres et des nutriments bénéfiques pour votre santé.
En pâtisserie, c’est la même chose : vous pouvez réduire en purée de la banane ou des fruits séchés (que vous aurez préalablement réhydratés) pour les incorporer à la pâte en remplacement total ou partiel du sucre.
Et si vous arrivez à vous contenter d’un fruit frais en guise de dessert, c’est encore mieux.
Vous pouvez également compter sur certaines épices à la saveur naturellement sucrée comme la vanille ou la cannelle pour diminuer le sucre ajouté aux yaourts, gâteaux, etc.
3. Rééduquez votre palais à l’amertume
Comme expliqué plus haut, la saveur amère est opposée à la saveur sucrée.
Il est difficile d’apprécier l’amertume quand on est accro à la saveur sucrée, mais la réciproque est vraie également : plus vous habituerez votre palais aux saveurs amères, moins vous aurez envie de sucré (cela vous paraîtra écœurant).
En fait, les aliments amers stimulent la libération d’hormones qui régulent l’appétit et réduisent les fameuses « fringales »[7].
Voici quelques aliments amers que vous pouvez commencer à intégrer par petites touches à votre alimentation :
- Artichaut
- Roquette
- Réglisse (en tisane)
- Pamplemousse
- Café noir
- Choux de Bruxelles
- Chocolat très noir
Je me souviendrai toujours de la première fois que j’ai goûté un carré de pure pâte de cacao (donc chocolat 100 %, sans sucre). En ouvrant la tablette, j’ai d’abord été attirée par l’odeur très puissante de cacao torréfié.
Pleine d’envie, j’en ai croqué un morceau, qui était tellement amer et astringent que j’ai été obligée d’en recracher la moitié (oui, ce n’est pas très ragoûtant).
Aujourd’hui, j’arrive à apprécier plusieurs carrés de pure pâte de cacao, mais il m’a fallu un temps d’adaptation. Vous aussi, vous pouvez y arriver !
En diminuant votre appétence pour le sucré, vous vous resensibilisez au vrai goût des aliments et vous n’avez plus besoin de sucre pour les apprécier.
C’est une sorte de changement d’état d’esprit : si vous pensez que les aliments doivent être doux pour être bons, vous risquez de vivre chaque dose de sucre en moins comme une privation.
Pensez plutôt à tout ce que vous allez gagner en diminuant le sucre : une palette d’arômes variés que vous ne sentiez pas auparavant, l’appréciation des mélanges complexes, et également une meilleure santé.
Le plaisir du sucre est unique et, je ne vais pas vous mentir, aucun aliment non sucré ne pourra vous procurer ce même « shoot de bien-être ».
Toutefois, ce que je vous propose, c’est de découvrir une autre forme de plaisir, plus subtile et plus complexe que le sucre, et qui, j’en suis convaincue, vous procurera au moins autant de satisfaction.
Je vous souhaite de belles découvertes,
Gaëlle Scrive
[1] Lean MEJ et al., Br Med Bull, 2016, doi: 10.1093/bmb/ldw037.
[2] DiNicolantonio JJ et al., Open Heart, 2017, doi: 10.1136/openhrt-2017-000729
[3] Rippe JM et al., Eur J Nutr, 2016, doi: 10.1007/s00394-016-1257-2
[4] L’OMS a même durci ses recommandations il y a quelques années en passant cette limite de 50 à 25 g par jour.
[5] Jessie Inchauspé, « Faites votre glucose révolution », Robert Laffont.
[6] Avena NM et al., Neurosci Biobehav Rev, 2007, doi: 10.1016/j.neubiorev.2007.04.019.
[7] Sternini C et al., Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes, 2010, doi: 10.1097/MED.0b013e3282f43a73.
Oui
Merci, oui habituez-vous à la saveur amère, elle est absente de notre alimentation. Vous pouvez consommer également des feuilles de pissenlit, ail des ours, oseille sauvage, quand vous vous promenez dans les champs, des noix fraîches, des pommes dans les vergers anciens abandonnés, elles sont très amères. (Les animaux sauvages les consomment en médicament). C’est une saveur essentielle en médecine chinoise : concombre amer en magasin asiatique.
Merci beaucoup ! Très bon message pour sauver des vies.
Le cerveau a besoin de sucres lorsque l’on a un travail intellectuel ! Alors question ? Où prendre son énergie pour le cerveau ?
Bonjour je viens de lire ce message et je suis ok avec vous
J ai définitivement supprimé le sucre car avec un mari diabétique et moi en hypertension le sucre est banni même en pâtisserie je divise par 2 les quantités de sucre ceci dit helas même si l on n en veut pas on en trouve partout c est pareil pour le sel le sucre le gras bref c est la bouffe industrielle qui nous rend malade alors chez moi ÷EXIT la bouffe industrielle je cuisine tout moi même et c est bien mieux bravo pour votre article
TROP de …sucre, gras….ce terme est un « quantificateur UNIVERSEL » (quel que soit) ,c’est à dire que chacun peut y mettre la quantité qu’il « entend », et qui est différente pour chacun…Les « normes » de l’OMS sont un repère conseillé …à adapter par chacun, selon ses soucis ou ses plaisirs…
Tout ce que vous avez écrit est très exact pour l’avoir vécu il y a longtemps ….
Il faut diminuer progressivement est le résultat est là c’est un combat de chaque jour mais on y arrive
Très intéressant. Merci, Gaëlle !
Merci l’article j’apprécie
Pour ma part je prends de l’eau salée qui m’aide beaucoup à sevrer le goût sucré
Sympa cet article sur le sucre mais pour moi qui suis accro ce n’est pas suffisant, par quoi peut-on remplacer l’envie impérieuse, comme une drogue, de sucre, est-ce vrai que cela peut être une candidose etc…