Chère lectrice, cher lecteur,

Dans une lettre précédente, je vous parlais des dangers du fructose dans le développement de la maladie d’Alzheimer.

Une lectrice a réagi en posant cette question :

« Bonjour, Je suis perdue ! Je pratique le régime IG BAS pour mon mari qui est diabétique.
J’utilise du fructose de bouleau, du sucre de coco, du sirop d’agave dont les IG sont bas.
Et là j’ai l’impression d’avoir tout faux. Qu’en est-il ? »

Je précise que le régime « IG bas » signifie « à faible index glycémique ».

C’est un régime qui privilégie les aliments qui élèvent peu la glycémie (le taux de glucose dans le sang) car leurs glucides sont absorbés plus lentement.

Si vous êtes vous-même diabétique ou avez des proches qui le sont, j’ai pensé que la réponse à cette question pourrait vous intéresser. Par ailleurs c’est un sujet complexe mais important, c’est pourquoi je tiens à y consacrer une lettre à part entière.

Alimentation à IG bas : la recommandation officielle pour les diabétiques

La question soulevée par cette lectrice est tout à fait légitime.

L’Assurance maladie française elle-même recommande sur son site de privilégier les aliments à index glycémique bas pour les diabétiques, comme illustré sur cette infographie[1] :

Les aliments situés tout en bas du schéma ont les index glycémiques les plus élevés, contrairement à ceux qui se trouvent tout en haut.

Cette recommandation est logique car les diabétiques doivent veiller à maintenir une glycémie stable afin d’éviter de se retrouver avec un excès de glucose dans le sang.

Pourtant, ce conseil est malheureusement simpliste. Et je vais vous expliquer pourquoi.

Il n’y a pas que le glucose qui compte

Les diabétiques sont très sensibilisés à l’index glycémique des aliments car le glucose est le seul sucre qui sollicite l’insuline, l’hormone qui permet de faire entrer le glucose dans les cellules ou de le convertir en graisse.

Or l’insuline est peu efficace chez les diabétiques (on dit qu’ils sont résistants à l’insuline).

Ils risquent donc de rester chroniquement avec un taux de glucose élevé dans le sang, et d’en subir les conséquences délétères : problèmes de cicatrisation, troubles de la vision, maladies cardiovasculaires…

C’est pourquoi les diabétiques doivent éviter autant que possible les pics de glucose.

Mais cela ne veut pas dire que TOUS les aliments qui ont un faible index glycémique sont bons pour les diabétiques.

En effet, les diabétiques se voient souvent conseiller de consommer des produits riches en fructose car le fructose a un faible index glycémique (20 pour le fructose contre 100 pour le glucose).

Mais c’est une erreur.

Le fructose vous engraisse le foie

Ce que je vais vous dire va vous sembler évident, pardonnez-moi, mais : le fructose, c’est du fructose ; pas du glucose.

Par définition, donc, le fructose ne peut pas avoir un index glycémique élevé, car il ne contient pas de glucose. (En revanche, une petite partie du fructose est convertie en glucose dans l’organisme, d’où son index glycémique de 20, et non de 0).

C’est pourquoi le sirop d’agave ou certains miels clairs comme le miel d’acacia sont des sucres à faible index glycémique : parce qu’ils contiennent majoritairement du fructose.

Malheureusement, le fructose a des effets encore plus délétères que le glucose, car il n’est pas métabolisé de la même façon dans l’organisme.

En effet, le fructose doit être transformé par le foie, et une grande partie de ce fructose est tout bonnement transformée en graisses (triglycérides).

C’est ainsi qu’un excès de fructose engraisse le foie et peut entraîner une stéatose hépatique non alcoolique (couramment appelée la maladie du foie gras).

Mais il peut aussi causer de l’hypertension, des maladies cardiovasculaires, aggraver le surpoids et même… la résistance à l’insuline[2]!

C’est donc un cercle vicieux pour les diabétiques.

Je précise que ces risques existent surtout si vous consommez de grandes quantités de fructose, car le foie est tout à fait capable d’en gérer une quantité modérée.

Toutefois, il est important d’avoir conscience de ces risques pour ne pas tomber dans le piège de substituer tous les sucres par des alternatives riches en fructose.

Ou pire, de croire qu’on peut en consommer des quantités illimitées car le fructose n’a qu’un faible impact sur la glycémie.

Je suis consciente que ces méfaits du fructose sont peu connus et que cela peut vous surprendre, mais ce sucre est abondamment utilisé par l’industrie agroalimentaire, et j’imagine qu’ils ont intérêt à ce que la confusion persiste.

Par ailleurs, « fructose » fait tellement penser à « fruit » qu’on le pense intuitivement sain.

Je vous rassure : les fruits frais sont effectivement sains, mais c’est parce qu’ils contiennent des fibres, des antioxydants et toutes sortes de composés bénéfiques pour la santé… pas parce qu’ils contiennent du fructose.

Remplacez le fructose par l’amidon

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, en cas de diabète, il vaut mieux manger des sources d’amidon que de fructose.

L’amidon est une chaîne composée de plusieurs molécules de glucose présente dans les aliments qu’on qualifie couramment de « sucres lents » comme le pain, les pâtes, le riz, les pommes de terre, et certains légumes.

Si on les appelle « sucres lents », c’est parce que le corps doit préalablement découper cette chaîne pour absorber le glucose qu’elle contient.

Mais en réalité, les farines raffinées (pâtes blanches, pain blanc, riz blanc) sont absorbées rapidement par l’organisme et affichent d’ailleurs un index glycémique élevé.

Leurs équivalents complets, en revanche, ont un index glycémique plus faible, en raison notamment des fibres qu’ils contiennent et qui ralentissent l’absorption des glucides.

Or il se trouve que l’amidon n’a pas les mêmes effets néfastes que le fructose. Des chercheurs ont fait le test sur des enfants obèses qui consommaient plus de 50 g de fructose par jour[3] : ils ont remplacé le fructose de leur alimentation par de l’amidon, sans changer le nombre de calories total.

Résultat : après seulement 10 jours, ils ont observé une diminution de la graisse du foie, de la graisse viscérale (celle qui entoure les organes dans la zone abdominale), et une amélioration de la sensibilité à l’insuline.

Donc même si les céréales complètes ont des index glycémiques plus élevés que le fructose, ils sont plus sains.

Merci encore à cette lectrice de m’avoir permis de faire cette précision essentielle sur le fructose et le diabète. J’espère qu’elle vous aura aussi aidé à y voir plus clair.

Bien à vous,

Gaëlle Scrive

[1] « Diabète et alimentation au quotidien : les fondamentaux », 28 juillet 2022, ameli.fr

[2] Basciano H et al., “Fructose, insulin resistance, and metabolic dyslipidemia”, Nutr Metab, 2005, doi:10.1186/1743-7075-2-5.

[3] Schwarz J.M. et al., Gastroenterology, 2017, doi: 10.1053/j.gastro.2017.05.043.

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2 Commentaires
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Bonjour Gaëlle,
L’excellent ouvrage de Jessie Inchauspé « Glucide Révolution » indique que l’important n’est pas ce que nous mangeons mais l’ordre dans lequel nous les mangeons. Cet ordre est : 1) fibres (légumes, légumineuses…), 2) protéines (œuf, fromage, viande…) et 3) glucoses (féculents, même gâteaux…).
En tant que diabétique (depuis plus de 30 ans), je suis donc cette préconisation depuis deux semaines et le résultat est incroyable. Ma glycémie à jeun est retournée à la normale (85-103 mg/dl) tout de suite. Vous pourriez donc conseiller cette méthode à vos lecteurs.
Une remarque : pas tous les diabétiques de type II sont résistants à l’insuline. Cela, me semble-t-il, représente 80% des diabétiques. Les autres, dont je fais partie, souffrent du malfonctionnement de leur pancréas (insuffisance des cellules Béta, je suppose).
Cordialement
Armand Nejade

Merci beaucoup pour ce petit exposé très clair et qui aide beaucoup à adapter son alimentation