Chère lectrice, cher lecteur,
Je suis tombée par hasard sur cette image d’un bébé dans le ventre de sa mère.
Il s’agit d’une IRM probablement menée dans les jours qui ont précédé l’accouchement.

Source : @radiographer sur Instagram.
Le voici qui s’étire et reçoit le signal de sa mère d’arrêter. C’est à la fois impressionnant et fascinant.
La technologie d’imagerie médicale moderne a ouvert une porte sur l’intimité in utero.
Après la fascination, vient nécessairement l’interrogation.
Les technologies qui permettent de voir à travers le corps comportent-elles des dangers pour votre santé (et dans le cas ci-dessus, pour celle du bébé à naître) ?
Que vous arrive-t-il pendant une radio ?
J’aimerais tout d’abord parler de l’ancêtre de l’IRM, la radio.
Vous avez sans doute eu des dizaines de radiographies dans votre vie, elles font partie des procédures hospitalières banales auxquelles on ne réfléchit pas vraiment.
Alors rendons tout d’abord hommage à son inventeur, et à la personne à qui nous devons la toute première radio.
1895 fut l’année de l’image.
Je ne vous parle pas seulement de l’invention du cinéma par les frères Lumière, je vous parle aussi de la radiographie !
Nous devons l’invention des tubes à rayons X en 1895 à un physicien allemand nommé Wilhelm Conrad Röntgen.

Image de la première radiographie au monde réalisée par Wilhelm Röntgen sur son épouse, Anna Ludwig, le 22 décembre 1895.
Si sur l’image que vous voyez ci-dessus, le rendu est flou et inexact, la technologie que nous utilisons aujourd’hui dans les centres d’imagerie médicale est peu ou prou la même.
Savez-vous ce qu’il vous arrive quand vous passez une radio ?
Un faisceau fixe de rayons X est envoyé à travers votre corps, dans la zone à examiner. Les tissus denses, comme vos os, absorbent davantage les rayons que les tissus mous. L’image formée montre vos zones denses en blanc (vos os) et vos tissus mous en gris.
Comme moi, vous vous demandez peut-être : “mais qu’est-ce qu’un rayon X ?”.
Pour l’expliquer simplement, c’est une lumière très puissante invisible à l’œil nu. Elle peut traverser votre corps et créer un processus chimique dans vos cellules, on appelle ça “l’ionisation”.
À fortes doses, cette transformation chimique nécessaire à l’imagerie radiographique peut être dangereuse. J’y reviens bientôt.
Bien heureusement, nous sommes passés des tubes toxiques à rayons X d’antan (les tubes de Crookes) projetés sur des films argentiques…
À la Rolls Royce de la radio ultra-haute résolution, des tubes compacts associés à une détection spectrale dernier cri, qui permet par la même occasion de réduire la dose de rayons X projetée dans le corps des patients.
Pas mal, non ?
Depuis plus d’un siècle, cette technologie est utilisée le plus souvent pour des fractures, luxations, infections pulmonaires, mammographies, panoramiques dentaires…
Mais à quel prix ?
Risquez-vous d’être dangereusement irradié par votre radiologue ?
Les rayons qui sont projetés sur votre corps lors d’une radio et ceux qui ont tué des milliers de personnes lors des différents accidents nucléaires mondiaux ont un point en commun : ce sont des rayonnements “ionisants”.
Je vous le disais, “ionisants” car ils sont suffisamment puissants pour modifier la structure chimique des molécules biologiques qu’ils rencontrent.
Votre ADN et donc vos cellules, par exemple.
Laissez-moi à présent répondre à la question qui vous brûle sûrement les lèvres à ce stade : vous exposez-vous à des dangers en passant une simple radio ?
Si les procédures de sécurité sont respectées, non.
Si des erreurs sont faites par votre radiologue, un problème mécanique survient, des radios à répétition sont effectuées ou si une mère enceinte reçoit des radiations, possiblement, oui.
Le risque zéro n’existe pas.
Preuve en est, la radiographie est fortement déconseillée pour les femmes enceintes. Si quelque chose est délétère pour un foetus, il peut l’être pour un être humain adulte.
En fonction de la dose d’irradiation physique absorbée (mesurée en “Gray”), les risques liés à une exposition longue et répétitive aux rayons X seraient :
- cassure de simple-brins et double-brins de votre ADN, entraînant la mort de certaines cellules ;
- cancers liés à une mutation cellulaire ;
- malformations foetales ;
- brûlures en cas d’erreur ou d’exposition longue.
Et dans les cas d’irradiation extrêmes, qui ne risquent pas de vous arriver avec une ou deux radiographies (1) :
- diminution temporaire des spermatozoïdes (0,15 Gy) ;
- atteinte directe du cristallin, cataracte (0,5 Gy) ;
- diminution des globules blancs ;
- stérilité féminine (2,5 Gy) et masculine (3,5 Gy).
Gardez à l’esprit que les doses courantes de rayons X varient de 0,005 milligray (pour une radio dentaire par exemple) à 1,5 mGy (radio de la colonne lombaire), ces radiations varient en fonction de la zone à examiner et de l’épaisseur des tissus.
Comme le montre l’échelle des radiations ci-dessous, à de si faibles doses, les dangers pour votre santé sont minimes.

Vous êtes heureusement protégés par des mesures de sécurité et des technologies bien plus performantes qu’à la genèse de la radiographie.
“Ne me parlez plus des rayons X, j’en ai peur.”
Brûlures, perte de cheveux, maladies de la peau…
L’histoire médicale se souvient des “martyrs de la radiographie”, ceux qui ont fait les frais de cette nouvelle invention.
Un des techniciens de Thomas Edison, Clarence Dally, aurait été la première victime des rayons X (2). Pendant 8 ans, il a manipulé des tubes de rayons X sans protection. Il est mort d’un carcinome radio-induit après plusieurs amputations liées à des cancers de la peau…
À la suite de cet événement tragique, Thomas Edison a lui-même abandonné ses recherches sur les rayons X en déclarant :
“Ne me parlez plus des rayons X, j’en ai peur.”
Il est difficile de ne pas considérer cette décision comme raisonnable, étant donné que trois radiologues pionniers (Mihran Kassabian, Eugène Curie et William Coolidge) ont payé leurs recherches au prix d’ulcères, nécroses et cancers de la main… À ce triste compte s’ajoutent plus de 100 chercheurs, morts d’une surexposition chronique aux rayons X entre 1895 et 1920. (3)
D’ailleurs, une stèle figure à Hambourg en Allemagne en mémoire à ces martyrs de la radiologie. (4)
De nos jours, les professionnels de l’imagerie médicale obéissent au principe ALARA, As Low As Reasonably Achievable : la dose de rayons X doit être aussi faible que raisonnablement possible et aucune exposition ne doit être pratiquée si elle n’apporte pas un bénéfice médical réel.
Il n’empêche que les accidents de radiographie n’ont pas totalement disparu.
On recense de nombreux cas de surdoses dans les 30 dernières années, entraînant la mort de plusieurs patients et pour les plus “chanceux”, des brûlures si importantes que des greffes ont été nécessaires.
Plus récemment, des incidents liés à des mauvais calculs d’unités (les fameux “Grays”) ont provoqué des surdoses de 5 à 20 fois la dose prévue. (5)
Devez-vous annuler votre prochaine radio ?
De toute évidence, la réponse est non.
Le risque zéro n’existe pas, mais la balance des bénéfices et des risques penche du côté des bénéfices dans le domaine médical. De toute évidence, les radios sont essentielles au diagnostic précoce des tumeurs, à l’évaluation des fractures et d’infections graves, et j’en passe.
Toutefois, je tiens à vous informer.
L’exposition à d’autres rayonnements (les ondes radio, la Wi-Fi, votre téléphone portable, la 5G…) pourrait vous exposer à certains dangers sur le long cours.
L’Organisation mondiale de la santé a d’ailleurs classé les ondes radio comme “possiblement cancérogènes” (6).
Et nous ne sommes qu’au début de la recherche scientifique à ce sujet…
Soit au même stade que l’apprenti de Thomas Edison, ainsi que cette centaine de martyrs qui ont sacrifié leur vie au début du siècle dernier.
Santé !
Mélanie Sigali
Sources :
- https://www.inrs.fr/risques/rayonnements-ionisants/effets-sur-la-sante.html
- https://www.smithsonianmag.com/history/clarence-dally-the-man-who-gave-thomas-edison-x-ray-vision-123713565/
- Sansare K, Khanna V, Karjodkar F. Early victims of X-rays: a tribute and current perception. Dentomaxillofac Radiol. 2011 Feb;40(2):123-5.
- https://www.bir.org.uk/useful-information/history-of-radiology/1930s/1930s-radiology.aspx
- Coeytaux K, Bey E, Christensen D, Glassman ES, Murdock B, Doucet C. Reported radiation overexposure accidents worldwide, 1980-2013: a systematic review. PLoS One. 2015 Mar 19;10(3):e0118709.